Jeudi 2 octobre 1997
Aujourd'hui je ne peux pas aller l'hôpital.
A la pause déjeuner j'appelle François, la situation est stable, la fièvre aussi, des prélèvements sont en analyse et culture pour voir quelle bactérie ou virus est responsable de cette surchauffe.
La nuit dernière ils ont eu une longue conversation son compagnon et lui. Il lui a tout dit. Ça a été difficile, mais en même temps il se sent mieux.
L'aumônier passera le voir dans la journée à sa demande, il veut mettre certaines choses au clair avec lui. Une fois fait le tour des nouvelles importantes et sérieuses, pour détendre un peu, je lui raconte ma dernière bêtise...
J'ai un canapé noir et un chat de la même couleur... En sortant de la douche le téléphone sonne, je me précipite pour répondre et m'assois sur le canapé en prenant le combiné, bien entendu le chat était là où je pose mon fessier. Résultat 3 belles griffes sur les fesses qui m'ont fait un mal de chien... un correspondant téléphonique à moitié sourd à cause du cri que j'ai poussé et la honte du siècle auprès de mon banquier qui m'appelait car il bien fallu s'excuser du hurlement et je n'ai pas réussi à inventer un truc donc il a eu droit à la vérité... Ça a fait marrer François, le banquier avait moins d'humour, faut que je passe le voir samedi matin :(
Une fois rentrée chez moi le soir je me décide à ouvrir la fichue lettre qu'il m'avait remise. Je redoutais de la lire mais tant qu'à faire autant y procéder maintenant.
Les recommandations sont simples, il refuse l'acharnement thérapeutique, il va même un peu plus loin puisqu'il refuse qu'on continue de le soigner si son état, guéri, le rends aveugle, insuffisant respiratoire sévère, bref restreint considérablement son autonomie.
En cas de décès il souhaite une messe simple, il a fait la liste des musiques parmi lesquelles on peut choisir, certains textes aussi, il veut être enterré au cimetière neuf de la ville de ses parents car il est paysagé, sans pierres tombales et on sent l'océan. Il veut que l'intégralité de ce que contient la maison et de ses comptes en banque revienne à son compagnon, seule la maison reviendra à ses parents. Il me charge d'aider au déménagement. Il m'attribue même le droit de choisir, avec son compagnon des objets souvenirs et d'office m'attribue le cendrier de cuivre qui nous a suivi lors de tant de soirées... Si ses parents jugent nécessaire de mettre une annonce dans le journal elle devra porter la mention Sida et les coordonnées d'une des associations de prévention et d'aide qu'il me laisse choisir.
Je vous laisse imaginer mon état à la lecture de tout ça...
En plus pas mal d'aspect ne dépendent pas de moi pour être respectés, il faut vérifier la légalité des choses et voir avec les médecins aussi... J'essaierai de lui en parler à ma prochaine visite.