François, épilogue - Fin
J'arrive rapidement devant la maison de François et quelle surprise ! Un petit camion de déménagement est devant, la maison est effectivement ouverte et je me trouve nez à nez avec... ses parents et son frère.
Elle dirige les opérations de vidage de la maison. Le père et le fils font office de porteurs.
Je suis interloquée, sur le cul.
Je leur rappelle que François avait rédigé un testament détenu par Maitre X, que lecture leur en sera faite lundi matin comme annoncé hier en fin de matinée, mais que je savais qu'il disposait de ses biens et que les parents n'étaient pas destinataires de tout.
Je m'étonnes de leur empressement et apprend que depuis hier après-midi une agence immobilière avait été contactée pour la mise en vente de la maison ! Ils passent lundi après midi pour estimer le bien, il faut donc que tout soit vide.
La conversation monte d'un ton car je leur signale que parmi les choses qu'ils embarquent il y a des objets qui n'appartiennent pas à leur fils. Mais madame ne l'entend pas de cette oreille.
TOUT ce qui reste dans cette maison ce jour est leur propriété d'après elle.
J'appelle vite T, le compagnon de François, et lui demande s'il est loin encore, il en a pour 20 mn de route environ encore.
Je tente un appel à X, ouf il est chez lui.
Je lui fait un bref résumé de la situation, il veut parler aux parents.
S'ensuit une engueulade épique par téléphone, comme quoi l'AUTRE n'a droit à rien, que vu son salaire c'est leur fils qui avait tout acheté, ou même si les factures sont à son nom ce sont des faux ou que s'il a pu payer c'est parce François payait tout à coté et que le salaire du compagnon était en fait son argent de poche etc.
J'ai vu sortir une rage, une haine terrible dans les propos de la mère, le père et le fils s'étaient "mis aux abris"...
je restais là comme une andouille effarée d'une telle rapacité, d'un tel déni de tout ce à quoi croyait son fils, d'un tel reniement des années précédentes, de ce qu'était François, de ce qu'il aimait par dessus tout.
Puisqu'il est impossible de discuter X coupe court.
Une fois qu'elle a lâché le téléphone la mère reprend la direction du vidage de la maison.
Dans sa grande bonté elle me demande si je veux garder des souvenirs puisque j'étais la bru en quelque sorte.
J'essaie de nier, de faire appel au père et au fils pour qu'ils m'appuient, lui fassent entendre raison. Peine perdue. Je tente de choisir des choses utiles pour le compagnon de François mais ça ne convient pas, je fini par juste choisir le cendrier de cuivre.
X arrive, il tente vainement de parlementer, il gagne du temps.
La mère ferme le camion et enjoint les mecs à prendre le volant et partir, puisqu'on veut les dépouiller elle ne se laissera pas faire...
Comme ils s'apprêtent à sortir du terrain une voiture de police arrive, X les avaient appelés, le camion est bloqué.
Tout le monde descend, retour à l'intérieur de la maison, le spectacle a assez duré pour les voisins.
Les officiers de police tentent de comprendre ce qui se passe. Essaient de raisonner la mère, et de booster le père et le fils. Je suis littéralement effondrée d'assister à cela.
T. fini par arriver au milieu de ce bordel sans nom.
Présentation rapide aux policiers et X décide d'ouvrir le testament, qu'il avait apporté, devant la police, et le lit en leur présence et celles des personnes désignées.
La mère crie au scandale, au dépouillement, au vol, elle contestera le testament qui n'est qu'un faux, que son fils n'a pas pu le rédiger, qu'il n'avait pas toute sa tête etc...
Les flics après contact avec des supérieurs, ou je ne sais qui, obtiennent des renforts et forcent les parents à vider le camion devant eux.
Ils autorisent le compagnon a prendre les quelques effets personnels qui restaient là, notamment le stock de ses médicaments, ainsi que les objets pour lesquels il a une facture à son nom, et qui rentrent dans nos voitures.
Une fois cela fait, sous les hurlements, insultes et noms d'oiseaux lâchés par la mère, les policiers posent les scellés sur la maison et repartent au commissariat avec les parents et leur camion vide pour enregistrer leur plainte et les premiers éléments de contestation du testament.
Nous partons chez les parents de T. et y déposons notre butin. Rapide debriefing, effarement de tout le monde. On peut comprendre que la douleur puisse faire perdre la raison mais à ce point ?
La fin de journée se passe entre incompréhension et réponse aux coups de fils de ceux à qui nous avions laissé un message sur le répondeur hier leur demandant de nous rappeler.
Lundi convocation par les policiers pour les suites de l'affaire du dimanche. Pas de nouvelles des parents ni du frère, mais la grand mère appelle et présente des excuses pour sa fille qui est devenue folle de douleur soit disant. Elle dit ne pas comprendre ce qui s'est passé en fait, et fera tout son possible pour que tout rentre dans l'ordre rapidement. Entre autre demande elle aimerai savoir si le lendemain, après la cérémonie, nous passerons à la maison des parents comme c'était initialement prévu pour la réunion du souvenir.
On se consulte et on la rappelle pour lui dire que OK si sa fille se tient correctement nous y serons et feront comme si rien ne s'était passé.
C'est peut être lâche mais bien plus simple que de devoir expliquer à tout le monde que non nous n'y irons pas car la mère a pété les plombs méchamment.
Mardi 14h00, le brouillard est à peine monté, il tombe une bruine parfaite pour un enterrement.
La cérémonie est magnifique, tous les souhaits de François ont été respectés, l'aumônier a eu des mots très justes, l'église déborde d'amis et de fleurs.
Pour la mise en terre il ne reste que les proches, la tombe disparait rapidement sous le tapis de fleurs jaunes, tous les tournesols du coins sont là, ca fait un mordeaux de soleil dans le vert et le gris. Il aurait aimé.
Nous nous rendons chez les parents tout se passe aussi paisiblement que possible. nous arrivons a rire en évoquant diverses anecdotes, on pleure aussi bien sur, mais il semblerai que la majorité des larmes aient été sortie lors de la cérémonie.
Les parents sont "normaux" la grand mère veille au grain.
Le soir tombe on se sépare. En fait une bonne partie se retrouvera à Bordeaux pour poursuivre la soirée en discutant, buvant, écoutant de la musique qu'il aimait tant.
La maison de François est toujours sous scellés. quelques jours plus tard T. est averti que la contestation sera étudiée dans les mois qui viennent et qu'en attendant tout est bloqué.
Il aura fallu pratiquement deux ans de procédures pour que le testament soit validé tel que rédigé par François, que la maison soit vidée, que T. reprenne possession de ce qui lui revenait, que les parents mettent en vente très rapidement la maison.
Pendant ces années la mère n'a cessé de tenter de me contacter, de se comporter avec moi comme si j'étais la belle fille endeuillée alors qu'elle a ignoré complétement T.
Dire qu'avant T. était effectivement considéré comme le gendre idéal, plus sympa que la belle fille trouvée par leur autre fils...
Je n'ai plus aucun contact avec les parents de François, j'avais conservé un lien avec la grand mère, qui est morte en 2000.
Petit à petit les liens avec T. se sont distendus, le rythme de vie différent, et le fait qu'on se soit rendus compte que se revoir rouvrait les plaies plus que ça ne faisait du bien, il fallait aller de l'avant. Mais auparavant il a été présent aux événement marquants de ma vie, j'étais tenue au courant de sa "reconstruction" progressive... A ce jour il va toujours bien, il fait partie de ceux qui survivent sans trop de problèmes annexes liés à la multi-thérapie, il a changé de région.
Pour ma part il y a certains endroits du blayais que j'ai soigneusement évités pendant des années. je suis repassée devant la maison pour la première fois il y a 4 ans et j'ai eu un choc de voir des enfants jouer dans le jardin ;) Depuis je n'y suis plus retournée.
Mes plus jolis souvenirs avec lui sont les multiples moments passés à faire la bouffe ensemble, en buvant un coup, parfois deux (la recette de la dinde au whisky on la connait bien ) puis les repas au coin de la cheminé en écoutant les CD de la Motown et en refaisant le monde, en langue de putifiant, en rigolant à s'en étouffer et mouiller la culotte. Il y aussi les films regardés affalés sur un canapé/lit, emballés dans des couvertures chaudes et moelleuses avec le feu de cheminé qui s'éteint et un bon verre de vin, parfois s'endormir là tranquillement tous les 3. Les soirées d'été sur les chaises longues du jardin, dans le noir, à observer les étoiles filantes ou pas, à regarder la comète Hale Bop, partir dans des rêves et délires. Mais aussi un concert de Patrick Juvet, qui faisait son retour, dans une boite minable, un autre concert de Billy Paul au Lac pendant la foire expo, les lieux étaient un peu sordides, il y avait bien peu de monde, mais qu'est qu'on a aimé, chanté et dansé...
Et tant d'autres moments du quotidien où parfois il y avait comme une bouffée de bonheur qui montait parce qu'on était bien tous ensemble, juste tranquilles, heureux et joyeux, insouciants.
Après avoir vécu tout cela je pense que certains s'étonneront moins que j'ai été une fervente militante, dans un premier temps, pour le PACS, puis pour le mariage pour tous. Tout ce qui peut permettre d'éviter que ce genre de situation se reproduise est à prendre et à tenter.
Devoir de mémoire
Devoir de mémoire impressionnant. Bel hommage à François et son compagnon.