Femme née en 1939 (3/3)
Début 1964 ils parlent de mariage, ça sera pour le mois de juin.
Les parents d'Angèle ne sont pas ravis, encore une mésalliance, c'est un ouvrier.
Fin mai Angèle à des doutes, une fois de plus elle a pris de l'avance sur le mariage et à nouveau elle est enceinte.
Qu'à cela ne tienne, ils sont heureux, ça sera un peu plus rapide que prévu, mais ce n'est pas grave.
Ils se marient, lui décide de s'installer à son compte dans son village d'origine, elle poursuit son travail de comptable tant que son état lui permet. Ils ont décidé qu'elle arrêtera de travailler, temporairement, lorsque l'enfant sera né.
Fin janvier 1965, l'hiver est très rude, la naissance est pour fin janvier/début février, il y a 20 km à faire pour aller à la maternité et les route sont verglacées sans discontinuer depuis plus d'une semaine.
Le grand jour arrive, à 23h00 ils partent, les contractions sont régulières mais pas très rapprochées, cependant vu l'état des routes ils préfèrent partir tôt.
A 1 km de la maternité il y a une belle côte à monter, même en marche arrière la 4 chevaux refuse la grimper, tant pis ils finiront à pieds, avec les contractions c'est un bonheur.
Arrivés là-bas ils se font enguirlander par l'infirmière (sage-femme ?) de garde car Angèle est presque à dilatation complète, ils auraient dû avertir ou partir plus tôt.
Le gynéco de garde est injoignable, il est 23h50, il avait averti être à un restaurant donné, mais là-bas ils ne l'ont pas vu de la soirée.
Après une enquête serrée, ils le retrouvent et Angèle a le "droit" d'accoucher.
1 er février 00h45 Le bébé sort comme un boulet de canon, heureusement, bien qu'on ne soit pas au pays du rugby, le gynéco a le bon réflexe et le rattrape in extremis.
Ce bébé a une jaunisse très marquée, il est presque marron, les parents ont à peine le temps de le voir et d'apprendre que c'est une fille que les pédiatres, arrivés en masse entre temps, l'embarquent pour quantité d'examens...
Cette petite fille risque de mourir ou d'avoir de lourdes séquelles si elle n'est pas transfusée de toute urgence.
La maman est de rhésus négatif, le papa rhésus positif et le bébé aussi, mais il y a un souci, l'organisme de la mère commençait à prendre le bébé comme un ennemi et lui a lâché plein d'anticorps pour s'en défendre, résultat le sang est "pourri" faut tout changer pour espérer le sauver.
En général ça n'arrive pas au premier bébé, les médecins s'en étonnent et la maman est obligée de leur raconter l'avortement et l'absence de traitement par la suite (on ne l'avait pas informée).
Il n'y a pas de grosse réserve de sang compatible avec celui du bébé à la maternité, ils tentent le tout pour le tout pendant que passent les quelques sacs de réserve, ils analysent le sang du père. Ok compatible. Il sera donc donneur le temps qu'on fasse le transfert au CHR voisin qui est mieux équipé pour suivre médicalement l'enfant et a des stocks du sang qui convient.
Il y a 80 km à faire, vu l'état des routes l'ambulance n'est pas envisageable, l'hélicoptère de la sécurité civile est déjà sur une intervention, ils tentent le coup avec une base militaire proche qui, après quelques tergiversations, accepte de mettre un de ses hélicoptères à disposition.
Le père et la fille partent, les médecins commenceront la transfusion père/fille en chemin une fois que la dernière poche de sang sera vidée. Les transfusions" normales " reprendront à l'arrivée au CHR.
La mère suivra par la route, on lui a trouvé une place là-bas. L'issue sera incertaine pendant une semaine, le baptême a même été fait à l'hôpital à 3 jours de vie, on n'est jamais trop prudent...
Tout se termine bien, la petite fille, Marguerite, est du genre résistante et chieuse, même à l'âge adulte ;)
Fin 1966 une nouvelle naissance s'annonce.
La grossesse se déroule bien, le suivi des antigènes est fait, tout est parfait.
Mi 1967 le bébé arrive, encore une petite fille, Sophie.
Elle est atteinte de très lourdes malformations visibles et sans doute d'autres invisibles.
Les médecins demandent aux parents s'ils doivent laisser faire la nature ou non.
Les parents ont une heure pour réfléchir, terrible décision à prendre en si peu de temps.
Sophie aura pitié d'eux sans doute, elle ne survivra que 35 minutes.
Personne n'a pu dire à Angèle à quoi étaient dues ces malformations.
Elle décida de ne plus avoir d'enfants, on ne lui a même pas laissé enterrer Sophie, elle est juste une page sur un livret de famille
Ça a été difficile comme décision pour elle et son mari (issu d'une fratrie de 7) mais ils ne voulaient plus prendre de risque. Ils se sont occupés du mieux qu'ils ont pu de Marguerite, au passage, ils l'ont même parfois un peu étouffée.
Marguerite n'a su l'intégralité de son histoire familiale que lorsque elle-même a été enceinte et en proie aux angoisses sur la "normalité" de son enfant à venir. Depuis longtemps elle savait, en partie, pour les péripéties de sa naissance (mais pas pour l'avortement) ça l'avait d'ailleurs encouragée à donner son sang dès qu'elle en a eu l'âge, comme un juste retour des choses... Depuis ses 14 ans, elle savait pour sa sœur morte à la naissance mais ignorait les conditions et détails car elle n'avait pas osé pousser les questions devant l'air de sa mère lorsqu'elle en avait parlé (fallait pas confier le livret de famille à Marguerite pour qu'elle aille faire établir elle-même sa carte d'identité). Il lui a fallu attendre d'avoir plus de 35 ans pour avoir toutes les clés de ce secret de famille... et enfin se rapprocher de sa mère en la comprenant bien mieux.
Compliquées les histoires de
Compliquées les histoires de familles, les non-dits, les secrets, les drames que l'on veut oublier mais qui nous rattrape à 20, 30, 40 ans ou plus...
Joliment écrite ton histoire. Ravie que tu reviennes plus régulièrement poster sur ton blog.
Et merci pour ton chouette comm sur le mien.
@ Epistyle, les histoire de
@ Epistyle, les histoire de famille Marguerite en a encore quelques unes sous le coude, c'est amusant elle a tout découvert/appris entre 30 et 40 ans, comme si on attendait qu'elle soit assez grande pour comprendre ;)
Merci pour les compliments. Quand au comm sur le tien ben c'est tout simplement sincère, j'enrage de n'avoir aucun sens créatif...
Pas facile tous les jours de
Pas facile tous les jours de vivre...
@ Marie Aude, ben à notre
@ Marie Aude, ben à notre époque c'est un peu plus simple, la pression sociale et familiale est moins forte, tout au moins en France. Et apprendre tout ça même si ça fait un choc, ça aide à comprendre, a relier les bribes de choses entendues enfant quand les adultes pensaient les gosses trop occupés pour entendre, en fait c'est une sorte de soulagement car souvent l'imagination est pire que la réalité ;)
Cette histoire me donne des
Cette histoire me donne des frissons. On a l'impression d'y être. Cela me redonne l'envie d'écrire celle de ma tante, qui elle aussi, en a vu des vertes et des pas mûres!
@ Maman au secours, merci
@ Maman au secours, merci pour le compliment ;)
Et oui Google fait très bien les choses, parfois, ce soir j'ai droit à femme ronde, un site de rencontre spécialisé ;)
une note rigolotte: tu as vu
une note rigolotte: tu as vu la pub qui s'affiche sur ton blog: "enceinte et désespérée?", comme quoi les moteurs de recherches font bien leur boulot!
Histoire bien difficile et
Histoire bien difficile et qui montre encore bien que les secrets de famille, même s'ils sont fortement "médiatisés" depuis quelques années, ont encore la vie dure.
Cela dit cette petite Marguerite, dont les débuts ont été si incertains, a montré vaillamment sa volonté de s'en sortir dès son plus jeune âge et je suis sûre qu'elle le montre encore bien maintenant ;-)